jeudi 29 décembre 2011

A dangerous method - Cronenberg


Il m'est apparu difficile de ne pas parler de ce film sur cet espace dédié à la psychologie analytique; en effet, même s'il est évident que ce long métrage ne survivra surement pas aux grosses productions sur le palmarès de l'année cinématographique, il faut souligner un certain courage à ce réalisateur d'oser aborder un thème si peu porteur qu'est la naissance de la psychanalyse et surtout, la relation Freud/Jung. J'ai appris après l'avoir visionné que ce film était tiré de la pièce de théâtre The Talking Cure de Christopher Hampton.

En cherchant une image pour illustrer ce billet, j'ai souri en lisant les critiques posées en tête de l'affiche (forcément dithyrambique). A gauche on peut lire, "un ménage à trois intellectuel"...c'est justement ce que n'a jamais présenté ce film...selon moi.
Il propose une vision assez proche de la réalité "connue", grâce aux correspondances diverses, de la relation complexe entre Sabina spielrein, juive russe envoyée à 19 ans chez Bleuler pour hystérie, et Jung, son médecin attitré qui nourrira une relation adultérine avec elle. (Spielrein est un personnage important dans l'histoire de la psychanalyse moderne et je vous suggère de découvrir son parcours atypique sur internet)

Je retiendrais quelques phrases fortes du film (à noter d'excellents dialogues dans l'ensemble)  : 
"Emma, notre amour réside dans un lien sacré qui est unique, quoi qu'il arrive" - "Je ne crois ni aux hasards ni aux accidents" - "Un médecin qui n'a pas souffert ne peut pas guérir" - "L'important n'est pas de dire aux patients ce qu'ils ne sont pas mais de les aider à devenir ce qu'ils devaient être" - "Il faut parfois faire des choses impardonnables pour avoir la force de continuer à vivre"   Jung dans le film
"Docteur Jung, je ne peux vous livrer mon rêve, ce serait alors compromettre mon autorité" Freud dans le film

Contrairement à certains avis lus, le film est loin d'être intellectuel (quoi que de nos jours, il est vrai qu'un film avec plus de 15 mn de dialogues est catalogué comme tel), très compréhensible pour le commun des mortels. Quelques libertés ont été prises par Cronenberg, certaines que je trouve inutiles (les scènes masochistes notamment), d'autres très belles et touchantes (comme celle de Freud rompant officiellement la relation avec Jung, qui porte le petit cadre photo de son ancien dauphin contre son coeur avant de le ranger dans la boite avec ses correspondances).
Même si quelques efforts ont été consentis pour mentionner certaines idées majeures de l'oeuvre des protagonistes, je regrette certains clichés ponctuels dont le spectateur béotien ne mesurera jamais la hauteur de l'enjeu (les bruits de la bibliothèque lors de la discussion avec Freud autour de l'occultisme qui, dans le film, présente Jung comme un bienheureux mystique, l'évanouissement de Freud lors d'une des dernières discussions avec Jung autour de son autorité, etc).

Concernant le jeu d'acteur : Interprétation remarquable de Knightley (Spielrein), sombre et profonde de Mortensen (Freud), vibrante et poignante de Fassbender (Jung). On note aussi l'apparition remarquée de Cassel (Gross). Une photographie somptueuse, précise et une bande sonore de qualité...
Un film qui ne restera surement pas longtemps à l'affiche mais que je conseille à tous les lecteurs...sur la toile ou par DVD.

En complément  :
A dangerous method vu par Giovanni sorge

Bande-annonce (très médiocre selon moi)




mercredi 28 décembre 2011

Petit moment de grâce (4)

J'avais traité il y a quelques semaines de ce compositeur d'exception, Arvo Part (voir ici). Habituellement peu friand de "remasterisation" ou réinterprétation d'originaux, j'ai trouvé deux petits bijoux de Part qui ont été associés à des bruits naturels...quiétude et apaisement assurés. Bonne écoute !



dimanche 11 décembre 2011

Paroles du père Grégoire Krug


Ce fils d'industriel s'ouvrit très tôt à l'art, passionné par la peinture et la spiritualité orthodoxe, qu'il concilia finalement en embrassant le sacerdoce et en devenant un grand créateur d’icônes. Né au début du 20ème, il fut donc contemporain de Jung. Je suis tombé par le plus grand des hasards sur un extrait de ses écrits qui m'a tout de suit percuté...je vous laisse découvrir ses mots.



"Si l’homme se rencontre lui-même dans sa profondeur, du plus bas, du plus méchant, et, se trouvant face à face au Dragon qu’il est au fond de lui-même, s’il est capable d’embrasser ce Dragon, de s’unir à lui, c’est alors qu’éclate le divin et c’est la Résurrection"


dimanche 27 novembre 2011

La réalité de l'âme - Cazenave

 Un ouvrage de plus de Michel Cazenave, le dernier édité à ce jour. Jung revisité, rien de moins ! Si ce n'était pas de cet auteur, j'aurais peut être même souri devant l'impudence d'un tel programme. Pourtant, à mes yeux, Cazenave est le plus grand chercheur jungien français. Et par chercheur, j'entends "celui qui est finalement au bout du bout des connaissances mais ne veut pas s'arrêter" pour reprendre Roland Cahen. Dans cet ouvrage, qui se veut avant tout une approche en  profondeur de l'œuvre de Jung, on se plaît en effet à découvrir des facettes inexplorées, ou plutôt des lumières sont braquées vers les "coins discrets", en marge des grandes notions.

 L'auteur 

Qui s'intéresse à Jung ne peut ignorer le nom de Cazenave. Ce (bientôt) septuagénaire se définit lui-même comme philosophe, poète, essayiste...gaulliste de gauche. Un personnage coloré et assumé en somme
Il a produit pendant plus de dix ans, l'excellente émission "Les vivants et les Dieux" sur France culture. Pour ce qui nous intéresse, disons simplement qu'il a présidé le Groupe d'études Jung de Paris, fondé le cercle de réflexion français autour de l'oeuvre de Jung et dirige la traduction de l'oeuvre intégrale de Jung chez Albin Michel.

Sommaire

Page 9     Introduction à Jung
Page 15   Jung, aujourd'hui, plus que jamais
I - Ce qu'emporte la notion d'âme
Page 21   Structure et dynamique de l'inconscient
Page 41   Manifestations de l'inconscient
Page 55   L'individuation existait-elle avant Jung ?
Page 97   Jung et le tiers inclus
II - Questions connexes
Page 103  Jung et la modernité
Page 109  L'Eros ou le désir de l'Un
Page 115  L'imagination, puissance de l'âme
Page 123  Temps de l'homme, temps de l'âme
Page 129  Jung et le cinéma
III Introduction à Jung
Page 135 et jusqu'à la fin : diverses préfaces de Cazenave sur les traductions des oeuvres.


Avis personnel 

Ce livre n'est pas adapté pour qui veut débuter ou découvrir l'œuvre de Jung...sauf solide formation littéraire ou philosophique. Mais quel régal pour celui qui est déjà rentré dans l'univers de la psychologie des profondeurs ! car il s'agit bien de revisiter, d'adopter l’exercice délicat de sortir des sentiers mille fois battus, des lieux communs et idées prémâchées. A la lumière de la grande culture de l'auteur (manifestement platonicien de cœur) et de son ouverture d'esprit (parfaite connaissance de Freud et Lacan), on découvre et découvre encore de nouvelles implications et intuitions à la psychologie des profondeurs. 
Comme à son habitude, la plume est précise mais la profondeur du raisonnement assez complexe...lecture attentive requise.
Le tome 2 paraîtra sous peu et je serai sans nul doute parmi ses lecteurs.

Quelques extraits

"Non qu'il refuse toute l'importance de la sexualité, comme on l'a trop souvent prétendu : mais il considère que l'humain est conduit par deux daïmons (au sens grec de ce terme : c'est-à-dire des puissances intermédiaires aux pouvoirs du sacré) - deux daï­mons au départ antithétiques, mais qu'il s'agit de réconcilier et de conjoindre dans une conjonction des opposés : la sexualité et la spiritualité, dont on ne peut, pour aucune, oublier toute l'impor­tance qu'elle a pour nous sans nous blesser profondément."

"…ce qu'il affirme en revanche, c'est simplement que, devant le fondement ultime de toutes choses, il ne peut pas y avoir de philosophie, de théologie, de métaphysique positives qui, du même mouvement qu'elles définiraient le fondement, se l'approprieraient de fait et s'y affirmeraient supérieures. Voilà cette « arrogance » que dénonce Jung, cette puérilité tout autant, cette pusillanimité de l'esprit qui « fait croire aux poissons qu'ils contiennent la mer ». La métaphysique sous-jacente qui est celle de Jung relève au contraire, à l'évidence, d'un ordre négatif, c'est-à-dire qu'elle fait partie de celles qui reconnaissent qu'elles ne peuvent en aucun cas parler de leurs propres conditions de possibilité, de celles qui se font un devoir éthique de poser, et par le fait même, de respecter leurs limites -dans une contrainte d'in-connaissance qui les légitime par ailleurs."

"Comme le signifient les anciens mystères grecs, tenir les lèvres fermées, cela signifie se taire, parce que ce que l'on a éprouvé, on ne peut rien en trans­mettre par le truchement du langage, c'est de l'ordre de l'indicible, c'est au-delà du discours et de ses structures logiques - ce qui impose du même coup le silence des initiés vis-à-vis de tous ceux qui n'en ont pas eu l'expérience."


"Si l'on entend en effet la sexualité sous le chef de la pulsion, et dans la catégorie de la libido de définition freudienne, il est vrai qu'elle manque singulièrement dans presque tout le travail de Jung : il sait bien sûr ce que c'est mais, d'une certaine façon, on peut dire que cela ne l'intéresse pas réellement. 
Qu'est-ce qu'on signifie par ces mots ? 
Sinon que, de la même manière que Jung se détache des topiques et de la dynamique freudiennes - non pas tant parce qu'il propose une autre interprétation de la même réalité incons­ciente, mais parce qu'il s'intéresse en fait à une autre réalité — il conçoit au principe les figures sexuelles comme relevant « par essence » d'un processus religieux où se fonde la psyché, et réin­tègre par là même toute sexualité telle qu'elle est, à un espace érotique qui est d'abord celui de l'âme."

jeudi 3 novembre 2011

Le symbole selon Jung - Une approche spécifique

Systema Mundi Totius - Jung
"Voir dans l'expression symbolique une analogie ou une désignation abrégée d’un fait  connu, c'est faire de la sémiologie et avoir la meilleure formule possible d’une chose relativement peu connu que l'on ne saurait donc tout d'abord désigné de façon plus clair ou plus caractéristique, c'est faire du symbolisme."

Jung, Types psychologiques
 
 
Le symbole, un thème communément abordé dans l’œuvre de Jung et qui mérite que l'on s'y attarde. 
Tentons un "encadrement" de son acception dans la psychologie jungienne.

Le rôle, l'usage et la fonction du symbole dans la psyché humaine feront l'objet d'un approfondissement ultérieur.

"La parole, signe et symbole, sort par la bouche. Si la parole est un signe, elle ne signifie rien. Mais si elle est un symbole, alors elle signifie tout…Le symbole est cette parole qui sort par la bouche, qu’on ne prononce pas, mais qui remonte des profondeurs du Soi comme une parole de force et de détresse et qui se pose sur la langue inopinément. Il s’agit d’une parole étonnante et qui semble peut être déraisonnable, mais on l’identifie comme le symbole au fait qu’elle est étrangère à l’esprit conscient. Lorsqu’on accepte le symbole, c’est comme si on ouvrait une porte qui mène dans une nouvelle pièce dont on ignorait auparavant l’existence."
Jung, Livre Rouge, p311
 Ce que n'est pas le symbole

Approche apophatique (du grec apophasis: négation), ou démarche réductrice pour les philosophes, clin d’œil en allusion à la théologie d'Eckhart, que Jung appréciait tant.

Le symbole n'est pas un signe. 

Pour autant, on peut distinguer le signe arbitraire (qui renvoie à une réalité signifiée) et le signe allégorique qui renvoie à une réalité difficile à "présenter".
Aucun n'est un symbole !

Le symbole au sens jungien se distingue notablement des notions de symbole classiques :
  • ce n'est pas le symbole "linguistique" qui se distancie des choses pour les représenter,
  • ce n'est pas le symbole des "initiés", qu'ils soient religieux ou de la "Tradition", qui est en fait un signe avec une signification ou ensemble de significations secrètes. (A noter quelques rares exceptions que nous ne traiterons pas ici)
Ces deux symboles se rejoignent dans le fait d'occulter le sujet "percevant" dans le processus de création du sens. Ils sont liés, directement ou indirectement à un objet, une réalité "extérieure".



Le symbole dans la dynamique psychique

Selon Jung, l’expression symbolique exprime le mieux possible un état de fait complexe et qui n’est pas encore clairement saisi par la conscience alors que le signe désigne toujours quelque chose de connu.
Le symbole est donc l'expérience personnelle de surgissement de sens dans la conscience. 
Par nature, cela ne peut exister que sur un plan subjectif et l'on perçoit alors la force de l'imaginal dans ce processus.

Pour être un peu simpliste, on peut dire que la sémiotique (théorie des signes) tend à réunir la pluralité en unité alors que le symbole accepte, invite, considère la pluralité sous l'éclairage d'une conscience.

Avec le symbole, nous sommes aux portes du sacré. 
 
"l’attitude symbolique résulte d’une certaine conception de la vie qui attribue un sens à tout évènement grand ou petit, et donne à ce sens plus de valeur qu’au fait lui-même "
Jung, L'homme et ses symboles
 
Le symbole possède d'autres spécificités :
  • s'ils sont vécus par le sujet dans son intériorité, certains sont des représentations collectives,
  • le symbole est vivant en ce sens qu'il n'est jamais figé et surtout le lien entre les symboles et l'homme évolue depuis la nuit des temps.
En réalité, les hommes d'autrefois ne réfléchissaient pas sur leurs symboles. Ils vivaient et étaient inconsciemment animés par leur signification.
Jung, L'homme et ses symboles
Pour une approfondissement, je suggère de consulter l'ouvrage collectif "L'homme et ses symboles".

mardi 1 novembre 2011

Rob Jullien - Chercheur d'absolu

    Il est des artistes hors normes, non par l'excentricité apparente de leurs oeuvres, mais par leur autonomie créatrice, affranchie de toutes considérations extérieures et centrée viscéralement sur la mise en forme de "chants des profondeurs". Rob Jullien est de cette essence si rare et donc forcément considéré comme marginal de son vivant, adulé à sa mort comme il se doit...

Niché dans un ancien moulin à huile du Var, l'homme a passé une partie de sa vie à peindre, sculpter et donner une vie, année après année, à son atypique habitation qui est désormais un musée. Je n'ai pas eu la chance de le visiter mais j'ai découvert Jullien dans un petit reportage de 15 minutes qui m'a littéralement absorbé, un peu comme une connexion provisoire entre deux âmes. Il a rédigé un livre autobiographique, malheureusement épuisé, dont je parlerai surement dans un autre billet...on y découvre un mystique contemporain, un religieux au sens véritablement jungien du terme, qui a écouté son âme jusqu'à la limite. Son moulin est devenu son Bollingen, son Livre Rouge, remarquable, vibrant...

Je laisse le soin aux lecteurs d'en découvrir plus, la force d'internet est de mettre le monde sous ses yeux...et mes durables contrariétés techniques du moment ne m'offrent qu'une petite plage pour poser ces quelques mots.

Quelques oeuvres















lundi 17 octobre 2011

L'imagination active - Principe et mise en garde


Nous allons tenter d'encadrer le principe de l'imagination active, processus déterminant dans la voie de l'individuation, mais qui nécessite des conditions et dispositions préalables indispensables... 

!!! Mise en garde !!! 

Ce qui va être décrit ci-dessous demande une disposition préalable : un Moi stable et fort, pour ne jamais lâcher les rennes.  
Celui qui n'a pas œuvré longuement et durement sur  cette étape ne doit pas s'aventurer plus loin...
Il faut être prêt à affronter les "dieux eux-mêmes", l'affaire n'est pas mince !
Jung lui-même estime être passé très prêt de la chute au cours de l'expérimentation de cette pratique...
Idéalement, il conviendrait alors d'être guidé, et bien guidé, d'abord par un soutien "extérieur" qui sera ensuite suppléé par une "instance intérieure". 

Qu’est ce que l’imagination active ? 

 

J’aime plutôt parler d’activation de l’imagination qui transmet mieux l’idée d’une participation consciente à un monde d’images indépendantes de la conscience.

Jung a découvert de manière totalement empirique ce processus, par répétition et attention assidue, il en a extrait un processus. Dans son commentaire sur le mystère de la Fleur d'or (1928), on peut y trouver ses évocations sur des méditations chinoises qui semblent lui avoir fourni un matériaux de support pour le développement qui suivra.
L’imagination active est souvent considérée comme un outil ou une technique. 
Elle est indissociable de la fameuse fonction transcendante (voir ici), ce processus libérateur, activateur de transformation chez l’individu. 
D’après Jung, là réside une véritable voie royale de communication avec l’inconscient. 
En effet, si le rêve est une porte sure, authentique vers l’inconscient, pour qui sait « l’entendre », il reste totalement indépendant de l’activité consciente...l’imagination active sollicite la conscience.


Mise en pratique 

 

Pour mieux comprendre les enjeux et écueils possibles, marquons les étapes d’un exercice d’activation de l’imagination .

  1. L’étape préliminaire n’est pas sans rappeler la pratique de la méditation : stopper le flux des pensées, le parasitage du mental agité…chacun usera de la méthode qui lui convient le mieux.
  2. Là, l’exercice précédent prend toute son importance. "Happer", ressentir, un élément qui sera point de départ, qu’il soit bribe de rêve, image, son surgissant de l’intérieur. Ne pas vouloir saisir (juger, évaluer, etc) ce qui vient car cela va briser l’élan naturel et ne pas relâcher totalement l’attention qui va entraîner un flux inexploitable (imagination passive). L’art subtil du « laisser advenir »,
  3. Vient alors ce que l’on peut nommer la mise en forme. Il s’agit de donner corps aux images à travers ce qui conviendra le mieux sur le moment et selon « l’aptitude » de chacun, écriture, dessin, danse, chant, etc. L’étape est particulièrement cruciale car on peut la comparer à de l’archéologie psychique, il s’agit d’extraire des matériaux du tréfonds de son être et de les faire remonter à la surface de sa conscience. Ne jamais s’attarder sur l’esthétisme qui dénaturera le produit tout en évitant toute négligence. L’attention dans l’instant,
  4.  L’heure de la confrontation a sonné. Sans concession, sans faiblesse, sans compromis, on doit alors faire face à ce à quoi on a donné corps. Rien ne doit être lâcher avant qu’un dialogue (avec une image, un personnage, un élément de son corps, etc) s’établisse…attention, car ce dialogue démarrera toujours par un conflit. Les deux pôles de notre être "dialectise". De l'issue de la confrontation, si elle reste dirigée par la conscience, doit surgir une nouvelle clef (sous la forme symbolique, un autre vaste sujet).
  5.  Enfin, à ne surtout pas oublier après tant d’efforts, la mise en forme puis en application du produit obtenu, la prise en compte du symbole, la rédaction de notre propre Livre Rouge...car il s’agit finalement de cela. Nul besoin de cuir ou de volume parcheminé, un calepin d'étudiant peut faire l'affaire.Choisissez la clé qui vous attire le plus et débloquez votre magie ...
Enfin, pour tous ceux qui veulent approfondir le sujet, nous conseillerons vivement la lecture de Rencontre avec l’âme de Barbara Hannah.(voir ici).

dimanche 9 octobre 2011

Archétype (6) - L'ombre

Voici l'heure d'aborder ce "monument" de la psychologie analytique. Sur ce concept probablement plus que sur tous les autres, il faut d'abord tenter de se libérer des idées préconçues, des caricatures restrictives et images populaires un peu trop simplistes.
En effet, l'ombre est ce qui n'est pas beau en nous, ce qui nous fait peur ou fait fuir mais tellement d'autres choses également.

 
Il paraît essentiel, pour saisir correctement l'archétype (car c'en est un), de reprendre depuis le début... 
Qu'est l'ombre et à quoi sert elle ?

 

Genèse de l'ombre

L'ombre et le moi sont étroitement liés.
Quand le moi se constitue, se "densifie", il constitue une empreinte unique dans la matrice de l'inconscient indifférencié (pour rappel, voir le début de ce  billet)...l'image employée du doigt qui marque la cire est aussi utile ici : le creux créé possède naturellement une autre face, opposée, une "bosse" qui est l'ombre. 
Tous les choix écartés dans notre vie, les potentiels inexploités, les carences entretenues, les images traumatiques qu'on a voulu enfouir (ou fuir), etc constituent les "matériaux fondateurs" de l'ombre.
 
L'ombre de quoi ? De la conscience évidemment !
La vie nous éclaire continuellement et notre face éclairée est le moi.
L'ombre à l'abri derrière répond à la nature même de l'objet éclairé. 

 

Constitution de l'ombre

L'ombre est archétype par son universalisme et étroitement liée au genre humain.
Elle est communément associée au mal et Jung va y consacrer une part très importante de ses recherches. (Lire notamment Aïon et Réponse à Job)
Qu'est ce que le mal et doit on le fuir ?
Le mal, dans la perspective jungienne, est finalement là où la conscience n'apporte pas sa lumière
L'héritage judéo-chrétien a fortement compliqué le rapport au mal de l'occidental en l'impliquant, de fait, dans un champ moral. 
En le dépassant,  Jung ne réduit plus le mal à la privatio boni mais en arrive à la conclusion que le mal est une entité autonome, qui existe en elle-même, et qui n’entre pas dans une relation de causalité avec le bien. .
L'ombre n'est pas le mal en nous mais l'archaïque, la nuance est fondamentale !
Pour résumer,l'ombre pourrait être assimilé à l'inconscient personnel de l'individu. Unique à chacun, c'est aussi un médiateur précieux avec les profondeurs fondatrices de l'être.


Où est l'ombre ?

Nichée dans l'inconscient, seule une attention sincère et une certaine distanciation peut nous permettre de la déceler.
Elle existe chez chacun de nous à travers ce que l'on appelle la fonction inférieure (voir ici pour les détails).
Répondant au processus naturel, d'origine inconsciente, elle n'est décelable qu'à travers les projections.
"De deux choses l'une, nous connaissons notre ombre ou ne la connaissons pas ; dans ce dernier cas, il arrive souvent que nous ayons un ennemi personnel sur lequel nous projetons notre Ombre, dont nous le chargeons gratuitement, qui, à nos yeux, la porte comme si elle était sienne, et auquel en incombe l'entière responsabilité ; c'est notre bête noire, que nous vilipendons et à laquelle nous reprochons tous les défauts, toutes les noirceurs et tous les vices qui nous appartiennent en propre! Nous devrions endosser une bonne part des reproches dont nous accablons autrui! Au lieu de cela, nous agissons comme s'il nous était possible, ainsi, de nous libérer de notre Ombre; c'est l'éternelle histoire de la paille et de la poutre." Jung L'homme à la découverte de son âme
Soyons attentif à nous-même pour déceler nos incompétences et nos lacunes, arrêtons nous quelques instants sur le type détestable qui nous agace prodigieusement (pourquoi ?) : nous touchons du doigt notre ombre.




L'ombre utile ?

Quelle question...l'ombre est fondamentale !
L'individuation qui est projet de fondation de l'individu est une entreprise de terrassement : libérant strate après strate, ramenant à la surface des sédiments de notre passé et de temps immémoriaux, les premiers coups de pelle vont tomber sur l'ombre.
La part inconnue, inadaptée, primitive en nous est la source de notre enrichissement, quoi de plus logique, on ne s'enrichit jamais du semblable
L'entreprise est cependant ardue car il faut compter sur le conservatisme extrême du moi (voir ici)...l'inconnu nous place en face de la source de nos peurs !
Le travail sur l'ombre est donc, avant tout, un travail sur ces peurs, leur identification, leur confrontation, leur résolution...Le déni ou le rejet n'a pas de sens puisque nous évoquons bien une part de nous-même. Pire, son évitement lui fournira un peu plus d'énergie, la rendant mécaniquement plus redoutable.
En somme qu'il soit coopérant ou non, l'homme n'échappera pas au dialogue difficile avec l'ombre pour se libérer, s'épanouir, grandir.
 
Pour finir sur une note positive, une citation de Roland Cahen qui peut être source d'inspiration :  
que tous ceux qui sont effrayés par leur double pervers et primitif n'oublient jamais qu'ils ont aussi en eux un double héroïque et divin, le Soi...

jeudi 29 septembre 2011

Dead can dance - Un groupe à part

Voici un ovni musical, dont je suis les pérégrinations avec bonheur et délectation depuis plus de 15 ans...Brendan Perry (voir ici), anglais, musicien polyvalent qui a commencé sa carrière dans un groupe punk, timbre de voix incomparable,  Lisa Gerrard (voir ici), australienne, divine voix de contralto (ce qui se fait de plus grave chez les chanteuses), chanteuse classique ...


Mélange de genre improbable, le duo va s'unir pour former un groupe qui marque définitivement le monde de la musique en explorant des univers musicaux inédits, mélange de musiques tribales, chants anciens, percussions contemporaines, l'alchimie a pris !
J'ai eu la chance de les voir en concert lors de leur tournée mondiale de 2005 et de 2012...



Divers morceaux à diverses périodes du groupe.


  







dimanche 25 septembre 2011

Livre rouge - Autre détail : le basilic



                                                                                                      
Ce petit détail à gauche est en fait issu de la première lettrine (grande majuscule agrémentée de riches dessins) du Liber Primus.
Qu'il est fascinant de contempler ce reptile surprenant, qui ne peut qu'évoquer le terrible basilic, surgissant de la marmite en feu (et non sur le feu) au milieu de la mer.
Deux poissons semblant fuir la marmite, à gauche et à droite...ou s'ils provenaient de cette dernière ?
La marmite a un petit motif que l'on arrive pas bien à identifier. L'ensemble du dessin semble de facture médiocre mais n'oublions pas que le Liber Primus est issu d'une première tentative de Jung et chaque page fut découpée puis consciencieusement collée sur le Liber novus final, ce collage est d'ailleurs clairement visible.
L'athanor, source de feu sacré, combiné à l'eau de la mer profonde, donnant naissance au serpent couronné volant, aux poissons nichés au fond de l'eau...quelle ampleur symbolique ! Oui Carl, prends garde, toi qui conjugue les opposés, le basilic légendaire pourrait aisément s'envoler pour te brûler la vue.

Le dialogue est ouvert...





Le Livre Rouge

dimanche 18 septembre 2011

Archétype (5) - Animus

Après avoir succinctement abordé l'Anima, traitons de l'Animus chez la femme. Cet archétype a fait l'objet de recherche moins poussée dans l’œuvre de Jung (qu'il est difficile de décrire ce qui ne nous appartient pas) et de nombreux continuateurs ont poursuivi les réflexions sur le thème (Von Franz, Hillman, Pinkola Estés etc).
La femme de Jung s'est même vu confiée le soin d'une intéressante réflexion sur le sujet, ayant elle-même était confronté à ce puissant archétype (voir ici).
 Je propose là une approche, très parcellaire mais qui permet d'appréhender la notion et ses enjeux.


"Dans sa première forme inconsciente, l’animus est une instance qui engendre des opinions spontanées, non préméditées ; il exerce une influence dominante sur la vie émotionnelle de la femme."
Cette citation de Jung, extrait de Ma vie, est souvent utilisée pour définir l'Animus.
Il est important de rappeler que l'Animus s'exprime dans cette modalité lorsqu'il est encore niché au fond de l'inconscient de la femme (non différencié) mais que sur le chemin de réconciliation, il va se teinter différemment et donner par compensation ce qui manque à la femme.
Pour rappel, les archétypes ne sont pas des images préétablies, on pourrait peut être (et encore) les rapprocher de "potentialités imposées" à la conscience.

Par le même processus qui pousse l'homme par l'intermédiaire de sa Persona, à remplir un rôle social, adopter une attitude virile et "efficace", la femme devient porteuse de l'affectivité, de la "chaleur humaine" du nid familial, de l'apport sentimental dans la relation, grandit à l'intérieur d'elle une force compensatrice, inconsciente, germe d'une prise d'assurance  assumée de soi, l'Animus.

A l'instar de l'Anima et de la mère, le premier "porteur" de l'Animus sera naturellement le père pour la fille. Pour autant, une différence fondamentale (et liée à la phylogénétique selon Jung) existe, si le support projectif de l'anima est unique (monogame), il est pluriel pour l'animus (polygame).
«...L'animus est quelque chose comme une assemblée de pères ou d'autres porteurs de l'autorité, qui tiennent des conciliabules et qui émettent ex cathedrades jugements "raisonnables" inattaquables..." Jung, Dialectique du moi et de l'inconscient
Voici qui complique notablement la relation : si l'homme peut trouver un réceptacle unique à son anima (le coup de foudre, l'âme sœur, etc), la femme devra trouver chez un seul homme l'ensemble des attributs de ses porteurs d'autorité mentionnés par Jung.

Pour schématiser, l'Anima imprègne l'homme du sentiment et l'Animus permet à la femme d'intégrer le savoir, la raison, le logos.

La confrontation avec l'Animus est un enjeu majeur de libération pour la femme.
Emma Jung nous expose dans son ouvrage les apports d'une confrontation avec l'Animus :
"...Autant son Animus, lorsqu’il reste autonome, nuit aux relations par son « objectivité » intempestive, autant sa composante masculine bien intégrée l’aide à comprendre les hommes...
...La force de l’Animus permet d’acquérir une attitude intellectuelle qui libère la femme des limitations et des préjugés d’un moi étriqué...
...ce n’est que dans la mesure où cet être masculin est intégré dans notre âme et y exerce la fonction qui lui revient que nous pourrons être une femme au sens noble du terme et accomplir notre propre destin tout en restant nous-mêmes..."

Les archétypes

vendredi 2 septembre 2011

Petit moment de grâce (2)



Charles Avison Concerto grosso n°5


Sol da te extrait de l'opéra Orlando furioso de Vivaldi
Interprété par le talentueux Jaroussky





vendredi 26 août 2011

Rothéneuf - Un mythe dans les rochers



A l'abri des regards, sur la cote bretonne, très très proche de St Malo, se dresse un bestiaire improbable et fascinant sculpté à même la roche...les rochers sculptés de Rothéneuf (la petite bourgade qui les abrite) ne peuvent pas laisser insensible le visiteur, qu'il parvienne par hasard dessus ou que, comme moi, il vienne découvrir le site après en avoir entendu parlé longuement.


Personnellement, j'ai été littéralement happé par le spectacle offert. Je me suis volontairement perdu, photographiant abondamment (peine perdue, le meilleur appareil numérique ne pourra jamais saisir certaines choses) et surtout, me laissant aller à une promenade racontant une histoire : celle du mythe de l'abbé Fouré. Ce personnage, contemporain de Jung du début du 20eme, perdit ses facultés d'audition et d'élocution (selon la légende locale) et se mit alors à sculpter les rochers pour dessiner des légendes...durant 25 ans. 
A posteriori, je n'ai pas pu m'empêcher de faire le rapprochement entre ce vieux prêtre sculptant la roche à quelques dizaines de mètres de la mer et Jung taillant ses pierres à Bolligen, près de son lac.

Je vous offre un petit reportage avec mes propres photos, ainsi qu'un petit document vidéo monté à la hâte après ma visite (visible à l'orthographe approximative)....et quelques liens pour découvrir un peu plus ce lieu en toute fin de billet.
Agréable visite !











VIDEO


LIENS




vendredi 19 août 2011

Le livre rouge - Extrait


"La voie de l’à-venir
Si je parle dans l’esprit de ce temps, il me faut dire : Rien ni personne ne peut justifier ce qu’il me faut vous annoncer. Me justifier est superflu, car je n’ai pas le choix, il le faut. J’ai appris qu’outre l’esprit de ce temps, un autre esprit est à l’œuvre, celui qui règne sur les profondeurs de tout ce qui fait partie du présent.L’esprit de ce temps veut entendre parler d’utilité et de valeur. Je le pensais moi aussi et ce qui est humain en moi le pense encore. Mais cet autre esprit m’oblige néanmoins à parler, par-delà toute justification, toute utilité et tout sens.Empli de fierté humaine et aveuglé par l’esprit présomptueux de ce temps, j’ai longtemps cherché à tenir cet autre esprit à distance. Mais je n’ai pas pris en compte que l’esprit des profondeurs fut de tout temps et sera pour tous les temps plus puissant que l’esprit de ce temps qui change au fil des générations.
L’esprit des profondeurs a soumis toute la fierté et tout l’orgueil du discernement. Il m’a ôté la foi en la science, il m’a privé de la joie d’expliquer et de classifier, et il a fait s’éteindre en moi l’enthousiasme pour les idéaux de ce temps. Il m’a contraint à descendre vers les choses ultimes et les plus simples. 
L’esprit des profondeurs s’est emparé de mon entendement et de toutes mes connaissances, et les a mis au service de ce qui est inexplicable et qui va à l’encontre du sens. Il m’a privé de la parole et de l’écriture pour tout ce qui n’était pas au service de cette seule chose, cette fusion du sens et du contre-sens qui produit le sur-sens.

Mais le sur-sens est la voie, le chemin et le pont vers l’à-venir.
C’est le Dieu à venir. Ce n’est pas le Dieu à venir lui-même, mais son image, qui apparaît dans le sur-sens. Dieu est une image et ceux qui l’adorent doivent l’adorer dans l’image du sur-sens. Le sur-sens n’est pas sens, pas plus qu’il n’est contre-sens, il est à la fois image et force, magnificence et force réunies.
Le sur-sens est commencement et but. Il est le pont du passage et de l’accomplissement. Les autres dieux sont morts de leur temporalité, mais le sur-sens ne meurt pas, il se transforme en sens puis en contre-sens, et du feu et du sang de la collision des deux s’élève à nouveau, rajeuni, le sur-sens.
L’image de Dieu a une ombre. Le sur-sens est réel et projette une ombre. Car qu’est-ce qui pourrait être réel et physique sans posséder une ombre ? L’ombre est le non-sens. Elle est sans force et n’existe pas par elle-même. Mais le non sens est le frère inséparable et immortel du sur-sens. Les humains grandissent comme les plantes, les uns à la lumière, les autres à l’ombre. Nombreux sont ceux qui ont besoin de l’ombre et pas de la lumière.L’image de Dieu projette une ombre qui est aussi grande qu’elle-même. Le sur-sens est grand et petit, il est aussi étendu que l’espace du ciel étoilé et aussi étroit que la cellule du corps vivant."

Le Livre Rouge