mardi 2 mai 2023

Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955)

Voici un nom qui reste dans la mémoire collective mais assez peu connaisse l'œuvre de cet homme au parcours atypique, contemporain de Jung. Education catholique rigoureuse, ordonné prêtre de la communauté jésuite à 30 ans, formé à la paléontologie où ses recherches aboutiront à des découvertes encore reconnues aujourd'hui. En d'autres termes, un homme de science et de religion engagé qui puisera dans ces sources pour aboutir à des thèmes qui ne peuvent qu'émouvoir les jungiens en particulier et le "cherchant" en général. 
Deux caractéristiques principales : 
  • la conviction que l'évolution de l'homme l'amènera à une spiritualisation de la matière, plus haut degré de spiritualité,
  • un axe de recherche qui, toujours, présente esprit et matière comme deux facettes de la même réalité. 

L'homme

En lisant la biographie de De Chardin, j'ai retrouvé des similitudes avec la personnalité de Jung (et probablement communes à tous les grands esprits); citons en particulier l'amour de l'humain, une force et un dévouement inouï pour ses recherches, qui le conduiront jusqu'au sacrifice ultime (en découvrant sa publication sur le Pêche originel, qui le mènera à une mise à l'index de l'église et de lourdes contraintes posées par son ordre, je revoyais Jung abandonnant l'école freudienne en publiant ses Métamorphoses de l'âme).

Sa pensée 
(Très succinctement)

Je vais m'éloigner un peu de la paléontologie, centre "officiel" de ses recherches. 
Ses travaux sur l'évolution de l'espèce humaine (alliés à ses connaissances théologiques) l'amenèrent à certains concepts qui ne seront pas sans nous évoquer ceux de Jung.
Nous pourrions résumer ceci par cette phrase : l’évolution est une montée spirituelle qui a sa source dans la « puissance spirituelle de la matière »
Pour De Chardin, un examen critique de l'histoire de l'espèce humaine aboutit à la conclusion suivante : l'homme est conduit,  naturellement, à une spiritualisation de plus en plus structurée et extériorisée, impliquant une conscience en continuelle accroissement (formulation différente mais idée identique exprimée par Jung lorsqu'il mentionne les primitifs et leur spiritualité basée sur des projections nommées "les esprits de la nature").
Il nous faut mentionner également sa théorie de l’énergie qu'il considère comme l'élément originaire de la vie elle-même. Il la conçoit à l'origine de la nature psychique, se différenciant ensuite en énergie physique et en matière. 
Esprit et matière seraient donc intrinsèquement liés
L'homme serait porteur de ce potentiel spirituel, étant le seul être vivant pouvant connaître une croissance continue de la conscience.


La noosphère

Le radical grec noüs désigne un concept aristotélicien évoquant le principe qui ordonne esprit et matière. Chardin emprunte le terme du chimiste et minéralogiste Vernadsky. Ce dernier voyait là la troisième étape du vivant, après la géosphère (aspect minéral servant de support à la vie)  de et la biosphère (ensemble des 3 écosystèmes portant la vie, terre, air et mer).
Il est délicat de résumer trop simplement ce concept car De Chardin lui-même l'a développé, enrichi et précisé tout au long de sa vie...disons, de manière lapidaire, qu'il s'agirait d'un tissu vivant enveloppant la planète (à l'instar des différentes couches de l'atmosphère) et constitué d'une part de la conscience de chaque individu depuis que l'homme possède une conscience de lui-même. Cette "nappe" issue de consciences posséderait elle-même sa propre faculté de pensée
Pour le jésuite, cette noosphère conduirait graduellement l'humanité a toujours plus de conscience, dépassant les civilisations, puis les sociétés, les lois puis l'éthique, pour renouer avec l'esprit immanent de la matière sous une forme unifiée de "spiritualité".

A chacun d'y voir les (fortes) similitudes avec la notion d'inconscient collectif...
Jung écrira à la fin de sa vie qu'il était convaincu que De Chardin connaissait ses travaux...il est vrai que la noosphère et l'inconscient collectif ont indéniablement de très forts liens de cousinage.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

l'autre avec son esprit qui lui est propre, nous est autant étranger que l'animal dont on ne sait rien de son appréhension du monde

kelilan a dit…

Je vais suivre ton développement sur Chardin qui m'a toujours intrigué sans que je prenne le temps de rentrer dans son oeuvre.
Le rapprochement entre la noosphère et l'inconscient collectif est vraiment intéressant.

Anonyme a dit…

je découvre les similarités entre de Chardin et la pensée de Jung, ma philo de collège m'avait un peu initiée à sa pensée mais à l,époque je ne connaissais pas jung...;tu me donnes vraiment envie de le connaître mieux et lirai moi aussi attentivement tes articles le concernant . Merci !

Benoit Mouroux a dit…

Merci à vous deux pour votre appréciation sympathique,

Tous les ouvrages de De Chardin ne sont pas intéressants dans la même mesure, à mon avis partial...je parlerai de ceux qui m'ont marqué à l'occasion.

Jean

Barcelonimania a dit…

Pierre Teilhard de Chardin n'a pas été mis à l'index mais, par crainte que cela n'arrive,
sa hiérarchie lui a demandé de ne pas résider en France et de s'abstenir de toute
publication et conférences sur ses idées autres que scientifiques.
Cependant sept ans après sa mort Le Saint-Office, inquiet du succès de la publication
de ses œuvres par l'Association puis la Fondation Teilhard de Chardin,
a lancé contre elle un avertissement (Monitum) avant d'être lui-même dissous par le concile Vatican II.

Benoit Mouroux a dit…

Merci pour cette précision Barcelonimania,

On peut donc conclure que l'église lui a serré une corde autour du cou, ce qui n'est guère plus enviable...et je maintiens que sa publication (brillante au demeurant) sur son interprétation du pêché originel devait conduire à une telle réaction, ce fut donc un certain sacrifice.
Bien entendu, il y a un avant et un après Vactican II, comme pour beaucoup de positions de l'église d'ailleurs.

Jean

Ariaga a dit…

Un phénomène de synchronicité, Pierre Teilhard de Chardin était le penseur préféré de mon compagnon. Je le connais un peu mais moins bien que lui et je vais suivre tes articles avec beaucoup d'intérêt. Amitiés.

Benoit Mouroux a dit…

Bonsoir Ariaga,

C'est en effet une bien marquante synchronicité...il faut maintenant en dégager le sens.

Merci de ton passage et appréciation,
Amitiés,
Jean

Michelle a dit…

J'ai lu quelques livres de Chardin, mais pas beaucoup sur la noosphère. Merci pour ce que tu en dis ici, et l'intéressant rapprochement avec l'inconscient collectif. Je me permets de te taquiner un peu sur ta façon d'écrire "péché": "pêche". Ce serait bien de remplacer la tache originelle par une "pêche", un enthousiasme vivifiant.
Merci amical!

Benoit Mouroux a dit…

Merci Michelle pour ton passage,

Sais tu que c'est un lapsus fréquent chez moi, tu m'as donné une piste de réflexion.

Amitiés,
Jean