vendredi 22 juin 2012

Matt Harding - Celui qui fait danser le monde

La ronde des anges (Fra Angelico)

C'est l'histoire d'un jeune américain qui, suite à un échec dans l'univers du jeu vidéo, décida de faire le tour du monde à la découverte des merveilles...un ami fidèle le suivit et le filma sur de courtes séquences, improvisant une danse simple, toujours la même. Le résultat eut un succès surprenant.



Fort de son succès, il décida alors de renouveler l'expérience mais cette fois, en utilisant la population locale pour le filmer, et même participer avec lui à la chorégraphie...la joie, l'allégresse de cette danse collective est communicative. Je ne saurais expliquer précisément pourquoi mais je suis à chaque fois touché par ce que je perçois dans ces visages de danseurs, de toutes les couleurs des continents...



Enfin, très récemment (mise en ligne le 20 juin), il continua sur sa lancée en orchestrant des danses collectives avec les populations, dans une chorégraphie précise, rythmée par une chanson interprétée par une amie à lui et dont il a écrit en partie les paroles (paroles d'espoir et de joie humaniste pour ceux qui comprennent l'anglais). 
C'est probablement la vidéo qui me touche le plus...elle porte en elle le symbole incarné de la cohésion humaine, de l'universalité des choses (comme la musique et la danse)...à découvrir donc.




mardi 19 juin 2012

L'homme à la découverte de son âme - Jung


"Personnellement, j'ai toujours été convaincu, depuis qu'à vingt-deux ans j'ai eu la chance de rencontrer Jung, l'homme et son œuvre, que dans les siècles futurs on parlera de Freud et de Jung un peu comme aujourd'hui nous parlons d'Aristote et de Platon. C'est pourquoi il ne faut pas laisser banaliser, polluer les sources essentielles de la vie psychologique de l'homme." Dr Roland Cahen
"Préfaceur" et traducteur de bon nombre d'ouvrages de Jung, Cahen a rédigé cette phrase que j'ai trouvé démesurée de prétention à la première lecture...et puis, finalement, du chemin parcouru depuis, j'en arrive à me dire que ces quatre penseurs étaient bien des archéologues de l'âme comme l'histoire en a peu connu....

Continuons donc en douceur avec un ouvrage que l'on peut qualifier de vulgarisation. Cahen a réuni des textes épars dans un ensemble finalement très cohérent. Jung expose ici, avec simplicité et clarté, sa psychologie. Il constitue une excellente entrée en matière (même si je reconnais la qualité d'autres vulgarisateurs, Jung parlant de son œuvre est d'une toute autre précision) qui pourrait être suivi par la lecture du plus approfondi "Dialectique du moi et de l'inconscient" (voir ici).

Le livre est articulé selon trois axes distincts et complémentaires :

Partie 1 

Jung fait état de l'homme face à ses angoisses intérieures, son rapport à la magie et la spiritualité, depuis les premiers temps jusqu'à nos jours, où les institutions religieuses et autres mouvements n'arrivent plus à combler chez lui un besoin de sens qui doit se construire par une quête éminemment personnelle
Il y définit également ce qu'il entend par l'âme et pose la question qui jalonne toute son œuvre "où cela me mène t'il ?".
"elle a la dignité d'une entité à laquelle il est donné d'être consciente d'une relation avec la divinité"
Partie 2

Voici le moment de découvrir les complexes, ces "personnalités parcellaires" qui se construisent en même temps que le moi...un long et passionnant chapitre traite notamment du fameux test d'association  et, c'est ici que se situe le plus palpitant, la manière dont ce sont établies les modalités d'interprétation.
Ici, nous sommes dans la zone liminale entre conscient et inconscient !

Partie 3

Enfin, nous entrons de plain-pied dans l'ombre de l'inconscient avec les rêves...nous retrouverons ici les notions déjà établies par Freud mais surtout, les spécificités de l'approche jungienne, avec sa fonction prospective.


Quelques extraits
"nous sommes éternellement inachevés, nous croissons et changeons. La personnalité future que nous serons est déjà là, mais encore cachée dans l'ombre. Le moi, dans un certain sens, est comme une fente mobile qui se déplace sur un film, progressivement. Les potentialités futures du moi relèvent de son ombre présente. Nous savons ce que nous avons été, mais nous ignorons ce que nous serons."
"La fonction prospective forme à mon avis un attribut essentiel du rêve; l'on fera cependant bien de ne pas la surestimer; sinon l'on serait facilement tenté de voir dans le rêve une espèce de psychopompe qui, douée de sagesse supérieure, serait capable d'engager l'existence dans des voies infaillibles. Autant l'on sous-estime, d'une part, la portée psychologique du rêve, autant, d'autre part, le danger est grand, pour quiconque étudie les songes et pratique leur interprétation, de surestimer la validité de l'incons­cient pour la vie réelle."
"L'inconscient n'est pas un monstre démoniaque; c'est un organisme naturel, indifférent au point de vue moral, esthétique et intellectuel, qui ne devient réellement dangereux que lorsque notre attitude consciente à son égard est désespérément fausse."
"Nous comprenons toujours autrui comme nous nous comprenons nous-mêmes ou du moins comme nous cherchons à nous comprendre. Ce que nous ne comprenons pas en nous-mêmes nous ne le comprenons pas chez les autres et inversement. Ainsi, pour des raisons dont on n'a que l'embarras du choix, l'image d'autrui que nous portons en nous est en général hautement subjective. Comme l'on sait, même une connaissance intime ne saurait impliquer une appréciation d'autrui à son exacte valeur."

mercredi 13 juin 2012

Kairos - Le temps de l'opportun

On distingue chez les grecs 3 formes de temps. 
  1. Chronos est la plus proche de l'acception contemporaine, écoulement linéaire du passé vers le futur, définissant la durée.  
  2. L'Aïon est, en quelque sorte, le temps de la détermination, celui des périodes, des "ères", souvent assimilé à la notion du temps cyclique. 
  3. Enfin, le Kairos, peut être défini comme l'instant de l'opportunité.
Il est intéressant de noter que le Kairos utilisé dans la Bible désigne les moments d'accomplissement des desseins de Dieu. 
 
 Du côté grec
 
A l'origine, Kairos est représenté comme dieu des occasions opportunes. Son caractère fugace, volatile, insaisissable, explique les ailes à ses talons que l'on retrouve sur les représentations et qui lui confère cette célérité.
 
L'esprit de Kairos – La Fabrique de Kairos

Ses prêtres, à l'instar du dieu, étaient rasés à l'arrière du crane et se laissaient pousser une longue mèche à l'avant. 
Face au Kairos, il existe trois possibilités :
  1. Ne pas le discerner, 
  2. Réaliser sa présence mais ne pas avoir l'acuité suffisante pour le saisir, 
  3. Avoir la capacité de le voir et d'empoigner sa mèche.
Cette étonnante mèche témoigne que, malgré sa rapidité, le Kairos nous offre toujours une possibilité de le saisir...

Que porte le Kairos ?
 
Contrairement aux deux autres formes du temps, le Kairos porte un sens personnel à chacun. Il n'est jamais commun à deux personnes.
S'il incarne la bonne opportunité, celui qui maîtrise le Kairos sera porté par le succès alors que celui qui ne le voit pas connaîtra des réussites plus "laborieuses".

Chronos nous emporte, tel le courant de la rivière, tous, sans exception ni distinction, mais Kairos ne se présente qu'en des points précis et distincts pour tous !
 
Le temps du Chronos est linéaire et sagittal alors que le temps du Kairos est en lien avec notre intériorité, singulière.
 
Man Saut De La Lumière De La Montagne De La Lumière De La Montagne Sur La  Banque D'Images Et Photos Libres De Droits. Image 91658872.
Créant un espace de conjonction entre le monde et nous, le Kairos partage des similitudes avec la synchronicité. De la même manière, le Kairos joue un rôle déterminant dans nos vies, car le moment juste, opportun, porte en lui un basculement, un point d'inflexion qui crée un "avant et un après".

Comment attraper la mèche ?
 
Aristote s'est, notamment, penché sur la question dans ses traités d'éthique et un mot revient dans sa démonstration : Phronesis
Une définition, insatisfaisante car le mot n'a pas d'équivalent propre, pourrait être prudence.  Plus satisfaisant pourrait être l'idée de  "sagesse pratique".
La phronesis est l'art de la vision juste pour soi, au bon moment. Celui qui a su apprendre à se connaître, au-delà de toute concession, et qui, par cette connaissance fine de soi, possède le discernement de voir ce qui est bon pour lui.

Sous ce terme, les grecs vont bien plus loin car ils postulent le fait que cette connaissance de soi peut amener à la (re)connaissance de l'amour des dieux pour nous...une union réciproque en somme.
Le Kairos devient alors l’instant fugitif mais essentiel, soumis au hasard mais lié à l’absolu.

Si l'on en revient aux boussoles psychologiques de l'être, la transcription d'une bonne appréhension du Kairos semble correspondre au fonctionnement harmonieux de la fonction sentiment et de la fonction intuition.
Pour un instant suspendu entre temps profane et temps sacré, quoi de plus naturel que d'en appeler à une fonction rationnelle couplée à une fonction irrationnelle.

«Le kairos est un don, et le don est un kairos; l'intervention du dieu dans le sort des mortels en modifie la temporalité, et l'on comprend dès lors que l'un des sens de kairos ait désigné le moment fugace où tout se décide, où la durée prend un cours favorable à nos vœux. (...) L'irruption soudaine du kairos, c'est-à-dire d'un temps visité par le dieu, se marque en général chez Pindare, par l'apparition de la lumière. (...) Lorsque l'orage a bien enténébré la terre, soudain le vent faiblit, la pluie s'arrête, la nue s’entrouvre - et c'est l'embellie, une clairière de lumière soudain, dans un lieu de désolation. L'homme a senti le passage du dieu, et tel est le kairos. (...) Le kairos est une seconde d'éternité. »

 Pindare de Gilbert Romeyer Dherbey.